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Mgr Flavien Joseph Melki
Liban
Evêque Auxiliaire Patriarcal de l'Eglise Syrienne Catholique
d'Antioche
Membre de la commission œcuménique et celle du dialogue
interreligieux de la Conférence épiscopale du Liban.
Chers amis,
J'espère que vous avez encore un peu de patience pour m'écouter mais je ne serai pas long.
Lorsque j'ai été appelé au Liban par Mme Campion pour participer à cette réunion inter religieuse, ce dont je remercie beaucoup Madame et tous ses collaborateurs, j’ai tout de suite répondu "oui, je tiens à venir" parce que pour moi, cet appel était comme une invitation providentielle qui répondait à un désir profond de mon cœur.
Vivant au Liban, ayant vécu les années cruciales de la guerre car j'entendais toujours : "Comment parvenir à sortir de la crise libanaise qui avait opposé chrétiens et musulmans d'une façon qui nous a plongé presque dans le désespoir ?" Vingt ans de destruction, de désolation et de mort. Après cette tourmente, nous faisons face maintenant chrétiens et musulmans et nous méditons, ce que nous avons fait. Nous avons détruit notre pays et personne n'a tiré de profit de cette guerre. Est-ce que vraiment la religion a été la cause de cette désolation et de cette guerre ? Et nous pensons et nous méditons comment maintenant faire une démarche d'approche, d'union et d'une volonté commune pour parvenir à reconstruire ce pays. Et pour nous, la question se pose : "Comment maintenant nous mettre ensemble, face à face, en tant que chrétiens, musulmans, mais croyants ? Comment travailler, collaborer pour reconstruire notre pays ?" Pour moi, bien sûr, je vais aborder les points qui ont été posés et auxquels je dois me limiter, comment considérer l'Homme et comment considérer aussi cette tolérance, l’un bien sûr en tant que créature de Dieu et qui est professé par les religions monothéistes, c'est un semblable que je dois respecter mais dans l'optique chrétienne, plus qu'un semblable que je dois respecter, c'est d'abord un frère car Jésus a accueilli et il a fait le bien, il a guéri non seulement ses frères les juifs mais aussi les romains, les samaritains, les cananéens, tous ceux qu'il a rencontré. Les samaritains, il les a accueillis ; il les a aimés et a répondu à leur appel. Donc, et cela signifie la tolérance. Pour le Christ, il n'a jamais demandé à quelqu'un ou obligé à le suivre mais toujours il a fait appel à son libre choix de l'accepter, de le suivre ou de s'y refuser. Voilà comment nous, en tant que chrétiens, nous voulons vivre avec nos frères musulmans dans le respect mutuel. Mais aussi nous demandons nous-mêmes en tant que chrétiens à nos frères musulmans d'avoir cette même perspective, et je sais que tout le monde est d’accord sur cela, mais dans la pratique, il y a une grande différence. C'est-à-dire que dans le Liban, il y a le respect des droits de l'homme et cela est très important. C'est-à-dire le respect de ses libertés, de sa conscience, de l'expression et de choix de la religion et de la pratique de la religion et même changer de religion, passer d'une religion à l’autre lorsqu’on est convaincu que le choix qu'on fait est le meilleur et celui qui nous convient. Et c'est cela ce que nous demandons encore au monde arabe dans lequel nous vivons en minorité, c'est-à-dire que ce soit en Irak, en Syrie et ailleurs, il est vrai que les chrétiens sont respectés et ceci a fait un grand progrès, mais il reste encore beaucoup de choses à changer, par exemple il est impossible à un musulman dans les pays arabes de devenir chrétien, ou bien un chrétien qui puisse épouser une musulmane, cela est impossible. Et c’est cela que nous voudrions aussi changer parce que quand nous considérons les minorités musulmanes vivant en Europe, qui jouissent de la tolérance, du respect et le droit de leur culture et de leur école et de leurs traditions ; il faut aussi qu’eux-mêmes fassent de même pour les minorités chrétiennes et juives aussi, (de faire de même,) d'avoir cette même liberté et ce même respect qui est sauvegardé par la loi du pays. Voila un petit peu ce que nous attendons. Et bien sûr il y a d’autres choses à respecter : la justice sociale qui est en même temps un moyen efficace pour arriver à la paix. La justice sociale, c'est-à-dire d’abord l'état qui doit s'occuper de la liberté et de l’égalité de ses citoyens et en même temps le respect de chaque personne et de chaque citoyen de trouver ses droits à l'éducation, aux soins de santé et à l'épanouissement.
Et maintenant, au point de vue politique, comment arriver à cette paix ? Bien sûr, la foi, la religion se met dans une perspective différente de la politique, la religion ne dispose pas de forces militaires ou économiques, mais elle doit d'une façon tout à fait non violente et avec beaucoup de respect aux autres manifester ou bien dénoncer tout ce que les systèmes, soit les systèmes idéologiques ou encore les régimes en place, que les hommes des religions dénoncent ce qu'il y a qui blesse l’humanité ou qui contrarie les droits de chaque homme.
Enfin, bien sûr, le tableau que les religions essayent de donner à l'humanité, la fraternité, le respect mutuel reste encore très utopique. Mais pour le croyant, il a une confiance en Dieu qui peut tout faire lorsque l'homme échoue. Et un grand moyen qui nous reste, c'est celui de la prière. Dans l'Évangile, il est dit : "les ... de prières avec foi et ferveur peuvent transformer les montagnes" et nous sommes sûrs et confiants que notre prière en tant qu'homme de religion, homme de foi, nous pouvons changer beaucoup mais il nous faut beaucoup de temps et beaucoup de faire à déployer. Et si nous le faisons vraiment chaque jour, nous méritons cette parole du Christ : "Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés les fils de Dieu." Merci.
Rencontres au Service de la Paix, Bruxelles, le 13.09.1997 Organisation : Ouvertures a.s.b.l., Annelie Löhr-Campion, Belgique ouverturesforpeace.eu |